Julien Benda - La trahison des clercs
Introduction
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Le XIXe siècle est, selon Benda, le théâtre d’une révolution, d’un cataclysme plutôt, les intellectuels de l’Europe renient radicalement leur vocation primordiale et substantielle, ils trahissent le genre humain en désertant leur responsabilité.
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Avant tout il convient de savoir ce qu’il faut entendre ici par clerc, il ne s’agit pas uniquement comme nous l’enseigne le dictionnaire d’un « Homme qui a reçu la tonsure et qui, de ce fait, est entré dans l'état ecclésiastique »
(TLFi), Julien Benda regroupe sous ce terme tous ceux dont la profession est d’ordre intellectuelle : les religieux mais également les philosophes, poètes, historiens, artistes, scientifiques… Ces hommes et ces femmes qui délaissent la matière du monde pour prendre le recul nécessaire à la réflexion.
Le XIXe siècle est, selon Benda, le théâtre d’une révolution, d’un cataclysme plutôt, les clercs de l’Europe renient radicalement leur vocation primordiale et substantielle, ils trahissent le genre humain en désertant leur responsabilité.
Jusqu’ici le clerc, parce qu’il choisissait la vie spirituelle, s’écartait du monde matériel, de l’utilité pratique. Son discours n’avait d’autre ambition qu’approcher le vrai, que ce dernier lui apporte ou non un avantage pour sa vie quotidienne. Il constituait par ce fait un contre-poids idéologique aux discours des laïcs qui, eux, n’existaient qu’en vue d’un gain futur. En effet, si le militaire, l’ouvrier, le politique ou l’industriel élaborent des projets et des stratégies, ce n’est que dans le but d’élaborer un bien tangible susceptible de modifier la réalité à leur avantage. Le clerc, au contraire, ne vise la pensée que pour elle-même et par là, bien souvent, empêche les non-clercs de justifier moralement leurs actes en toute tranquillité.
Il ne s’agit pas pour Julien Benda de porter les clercs au pouvoir, ils ne le pourraient pas sans perdre du même coup leur distance, il leur faut justement vivre à l’écart du monde. Il sont la voix qui résiste aux ambitions humaines, qui permet aux hommes de terrain de s’extraire de l’agitation sociale, commerciale, internationale… pour voir les choses de plus loin, pour accéder à une perspective plus vaste.
Mais ces penseurs ont abandonné leur retraite pour s’emparer de la chose publique. Ils ne se sont pas contentés de déserter, ils ont entrepris de démolir systématiquement toutes les valeurs de leur prédécesseurs. La trahison est totale, les clercs dans leur immense majorité se mettent à nourrir les passions humaines en usant d’armes théoriques (la plume en guise d’épée). Et Nietzsche fait figure ici de pionnier qui ouvre la route dans laquelle s’engouffre la multitude.
La fin de l’ouvrage sombre dans le pessimisme, Benda ne voit pas ici un épisode de l’histoire qui aboutira à une nouvelle Renaissance. Il voit bien au contraire cet humanisme comme un miracle que nous laissons perdre : « si l’humanité vient à perdre cette parure, il y a peu de chances pour qu’elle la retrouve ; il y en a au contraire beaucoup pour qu’elle ne la retrouve pas, de même que si un homme avait trouvé un jour une pierre précieuse au fond de la mer, puis qu’il l’y eût laissée retomber, il y aurait fort peu de chances pour qu’il la revît jamais. »
Bonne balade en philosophie !